Rencontre amoureuse ou chimie de l’amour ? Et si nos rencontres amoureuses n’étaient “que” de la chimie ? L’idée est déconcertante…

Aujourd’hui, je n’ai pas eu une très bonne journée ; sur ma petite planète, le soleil ne brillera plus jamais avec la même intensité. Le prof de biologie nous a fait part d’éclaircissements fracassants qui m’ont complètement chamboulé.

Rencontre amoureuse ou chimie de l'amour ?

Je n’en n’ai pas encore parlé à Joséphine, car je suis sûr que cela produirait les mêmes effets sur elle. L’homme en blouse blanche, sans même avoir émis le moindre avertissement préalable, nous a fait de cruelles révélations qui nous réduisent elle et moi à de simples outils que la nature utiliserait pour parvenir à ses fins. Je vous explique …

Un processus chimique

Pour les scientifiques nos délicieux rapprochements ne seraient que biologiques, des réactions chimiques dont nous ne serions pas conscients. Nous ne fonctionnerions qu’à partir de signaux visuels, acoustiques, olfactifs et hormonaux.

En d’autres termes, dès qu’un partenaire biologiquement compatible se présenterait à nous, tous nos récepteurs se mettraient en marche pour nous alerter et nous conduire immanquablement vers la visée finale du coït permettant la procréation. Je n’aime pas beaucoup cette vision des choses, car je me trouve beaucoup trop jeune pour être déjà papa.

Des appâts

Les seins ronds de Joséphine et le bleu de mes yeux ne seraient que subterfuges grotesques destinés à nous pousser à l’accouplement et, avec un peu de chance, si Joséphine est en période d’ovulation et que nous n’avons pas pris de précautions, apporter notre contribution à la survie de l’espèce humaine. Vous imaginez dans quel désarroi une telle position peut mettre l’adolescent que je suis ?

Atomes crochus et phéromones

Nos atomes crochus ne seraient en fait que l’action d’agents puissants qui mettraient nos sens en vrac sans qu’on soupçonnent quoi que ce soit. Si je trouve quelque attrait au galbe de la gracieuse silhouette de Joséphine (oh oui !) c’est parce que des composés volatiles échappés de glandes situées sous ses aisselles, autour de ses mamelons et de son sexe viennent émoustiller mon organe voméro-nasal, en d’autre termes une glande située sous mon nez et directement relié à mon cerveau reptilien, c’est à dire sa partie la moins évoluée. Cet élan irrépressible ne serait qu’un bête test de compatibilité. Ça m’en a fichu un drôle de coup au moral, une véritable descente aux enfers.

L’importance du premier baiser

Écoutez la suite et prenez garde si vous appartenez à la catégorie « âmes sensibles », car il y a un risque de dommages irréversibles.

Le premier baiser échangé sur les remparts l’été dernier aurait eu une importance déterminante, car il aurait permis un échange d’informations chimiques entre nous capable de déterminer avec plus de certitude de notre compatibilité. Il aurait été le moment critique où on allait enfin savoir s’il y aurait une suite à notre histoire. Dans 60 % des cas (car ces gens-là font aussi des statistiques), c’est l’échec. Mais je vous rassure, pour nous le test fut 100 % positif, car le soir même nos deux corps vaincus se pliaient aux raisons de la nature et capitulaient dans un élan incontrôlable.

Pourquoi Joséphine est-elle exceptionnelle ?

Les petits frissons qui m’ont parcouru un partout, l’accélération de mon pouls, le rouge qui m’est monté aux joues lorsque je l’ai vu pour la première fois ne seraient dû qu’à une simple poussée d’adrénaline qui aurait activé mes fonctions cérébrales, un leurre destiné à me montrer Joséphine sous un jour très favorable et à me masquer ses défauts. Quels défauts ?

Pourquoi le ciel est-il bleu ?

Depuis que Joséphine est entrée dans ma vie, j’ai l’impression que tout est plus beau, plus vif, plus coloré, même les odeurs et les goûts ont gagné en intensité. Enfin bref, je survole la planète Joséphine sur mon tapis volant dans un ciel sans nuages et c’est très bon. Ce serait à cause de la dopamine qui me donne tout le temps envie d’elle, l’hormone de l’amour, comme ils disent ; une espèce de poudre aux yeux qui transformerait le Mont de Vénus de Joséphine en colline enchantée, sa bouche carmine en fruit gourmand et le creux de ses reins en vallons ondoyants.

Ce serait aussi à cause de la dopamine que mon phallus se durcit dès que je pense à elle. Attendez, ce n’est pas tout. Il y aurait aussi l’action de l’ocytocine, autre substance diabolique, qui serait responsable de l’attachement. Ce serait grâce à elle que j’envisagerais des projets d’avenir avec Joséphine, comme partir en Angleterre avec elle l’été prochain ou aller ensemble au salon Mangas de la Porte de Versailles. Oui, tout ça ce serait grâce à l’ocytocine. Mais, l’effet serait peu durable. Il faudrait une stimulation permanente pour le réactiver, sinon c’est l’accoutumance neuronale assurée. Tout à coup, sans trop savoir pourquoi, je pourrais avoir moins envie de ce voyage en Angleterre et je pourrais préférer aller à la Porte de Versailles avec une autre. Ça paraît quand même peu probable, car je ne crois pas une seule seconde que l’accoutumance neuronale, si puissante soit-elle, puisse me faire préférer une de ces créatures ordinaires à Joséphine. Je l’attends de pied ferme cette accoutumance neuronale, car elle ne me fait pas peur du tout.

Point trop n’en faut !

En fait, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase, je me dois de réagir avec une extrême fermeté contre ces briseurs de rêves et c’est pourquoi je décide qu’entre la biologie et moi c’est bien fini. C’est aujourd’hui que nos routes se séparent à jamais ; dorénavant, je sécherai tous les cours avec un acharnement radical !